Aline & Amélia

"Help me, Help you"

Ce matin, juste avant que je quitte pour l’école, papa avait appelé à la maison, ou plutôt  chez ma tante pour me dire que son retour était encore retardé de quelques jours, encore une fois. Aujourd’hui, par contre, je n’avais même pas pris la peine de lui demander quand il pensait revenir, parce qu’à chaque fois que je lui posais la question, soit je me butais à un « Je sais pas », ou encore à une date qui, finalement, n’avait rien de vraie. J’en avais assez, ça fait maintenant une semaine qu’il aurait dû rentrer, et ce n’était toujours pas le cas. Je veux revoir mon papa, et ça, personne ne peut le comprendre à l’école, parce que tout le monde peut voir son papa et maman en rentrant le soir, et moi, je ne peux pas, alors que je voudrais être capable de voir mon papa tous les jours, comme les autres, comme lorsqu’il était venu me voir à Noël, que ce soit comme Noël, mais à tous les jours.

Parce qu’il avait appelé juste avant que je parte, pendant que j’étais en train de mettre mon sac à dos sur mes épaules pour aller prendre le bus scolaire, je n’avais pas eu le temps de réagir, parce que sinon, j’aurais été en retard. J’avais juste envie de pleurer, mais pas devant tous les élèves dans l’autobus. Résultat, tout ce que je sus faire, c’est d’aller m’asseoir dans le fond, et prétendre de lire un livre de contes en attendant d’arriver à l’école. Par contre, je ne lisais pas grand-chose, comme si je ne comprenais pas les mots que je lisais, parce que j’étais trop occupée à penser à ce qu’il venait de se passer à la maison. Ce fut pareil pendant toute la journée à l’école. J’avais essayé de bien me concentrer, faire mes exercices, c’était difficile. La professeur me rappela quelques fois à l’ordre, me demandant si j’étais concentrée, si tout allait bien, et moi, je n’avais pas envie de lui dire que ça n’allait pas, et j’essayais de faire mon possible. Cependant, une fois que la cloche avait donné et que tout le monde était parti, j’avais choisi préférable d’aller m’excuser à mon enseignante d’avoir été aussi distraite, et je lui avais fait rapidement savoir que quelque chose n’allait pas, sauf que je n’étais pas allée dans les détails. Heureusement, elle avait été suffisamment gentille pour accepter mes excuses, et sitôt, je pris mes affaires et je sortis de la classe, avec un petit sourire en coin en guise de soulagement.

Toutefois, lorsque je sortis à l’extérieur, mon sac sur les épaules et mon goûter dans une main, je me rendis compte que ma tante n’était pas venue me chercher. Peut-être avait-elle eu un empêchement, ça arrivait parfois. Par contre, aujourd’hui, elle avait dit qu’elle viendrait me chercher, donc je ne voulais pas lui faire peur en rentrant avec le bus ou à pied jusqu’à la maison, même si je connaissais mon chemin. Je trouvais un coin près de l’école, et je m’assieds par terre, sur le trottoir, en jouant tristement avec mes doigts.  

amélia & aline

"Help me, Help you"

Son regard bleuté était rivé à lui même au travers du miroir. D'une main experte, elle attrapa ses cheveux mi bruns, mi blonds et les remonta sur le sommet de son crâne. En quelques secondes à peine, un chignon lâche se tenait là, laissant, de temps à autre, échapper quelques mèches folles. Elle resta ainsi quelques secondes à se regarder, clignant quelques fois des yeux. Yeux légèrement maquillés. Lorsqu'elle sembla retrouver tous ses esprits, l'étudiante quitta la salle de bain. Enfilant rapidement une paire de bottines, Aline attrapa son écharpe qu'elle passa autour de son cou, sa veste et son sac. Elle quitta l'appartement sans même prendre la peine de le verrouiller à clef. Après tout, sa colocataire était là et, la brune jugeait qu'elle pourrait s'en charger elle même.  

S'enfonçant un peu plus dans le centre ville et dans le froid hivernal - bien qu'il soit totalement différent du froid ressenti à Dijon -, elle resserra sa veste contre elle et perdit son visage dans la laine de son écharpe rouge. Elle inspira longuement tandis qu'un frisson la parcourait de part en part. Pourquoi avait elle accepté d'aller faire les courses déjà ? Elle se le demandait encore. Un soupire passa la barrière des lèvres de la jeune femme, et ce, bien malgré elle. Elle secoua la tête et continua sa petite marche au coeur du village qu'était Saint Tropez. Elle gagna rapidement la place des Lices. Elle se fraya un passage entre les badauds et surtout les enfants qui profitaient de la saison pour aller faire un tour sur la patinoire que la ville installait chaque année ainsi que tout le décor, les manèges, qui allaient avec. Une fois encore, Aline se maudit, ayant choisi dix sept heures pour aller faire ses courses : heures où les petits tropéziens quittaient l'école. Une chance qu'elle ne travaillait pas.

L'étudiante pressa le pas, sentant ses mains qui commençaient à geler. Elle gagna l'école primaire qu'elle souhaitait dépasser, se faufilant toujours entre les charmantes petites têtes blondes. Néanmoins, son regard fut stopper par une petite forme assise sur le trottoir face à la grille. Soupirant à nouveau, Aline avança vers elle. Avec ce froid, elle ne pouvait pas ignorer l'enfant seul. En s'approchant bien plus, elle reconnu sans difficultés la petite Amélia. Arrivée à sa hauteur, la jeune femme s'agenouilla vers elle avec un petit sourire. « - Salut, poulette. Qu'est ce que tu fais toute seule ? » Se redressant légèrement, Aline regarda autour d'elle. Personne ne semblait se soucier de la petite fille qui attendait sans un mot et très calmement, son quatre heures en main.

Aline & Amélia

"Help me, Help you"

Ce n’était pas la première fois que ma tante n’était pas prête à venir me chercher tout de suite quand j’avais terminé les cours, et de ce fait, j’avais l’habitude de devoir patienter à l’extérieur de l’école, sans trop savoir cela prendrait combien de temps avant de voir sa voiture arriver et que nous puissions enfin rentrer à la maison. Je ne lui en voulais pas, je savais me montrer patiente et compréhensive, mais aujourd’hui, je trouvais le temps long, plus long que d’habitude. Je n’avais pas grand-chose à faire, assise sur la chaussée ainsi, et pour tout dire, je n’avais pas envie de faire quoi que ce soit, ne serait-ce que regarder les voitures passer, et rêver que l’une d’entre elles allait finir par s’arrêter et que ce serait mon papa qui en descendrait, qui me dirait que c’était vrai, cette fois-ci, qu’il était revenu pour de bon. Toutefois, cela n’allait pas arriver aujourd’hui, j’en avais eu la preuve ce matin, et cette pensée me fit pousser un soupir, et le temps semblait encore plus long, comme s’il ne l’était pas déjà assez.

Voyant que penser à mon père ne me menait à rien, je baissai de nouveau le regard, et je tentai de me changer les idées, à nouveau. Je ne savais même pas il était quelle heure, parce que je n’avais pas mis ma montre, et je n’avais pas de téléphone sur lequel regarder. D’ailleurs, j’en étais à me demander si je ne devrais pas en demander un pour Noël. Je savais bien que j’étais encore petite, que ça ne me servirait à rien, mais si cela pouvait aider seulement pour que je sache si tatie pouvait venir me prendre à l’école, que je puisse rentrer par moi-même plutôt que de poireauter ici, alors peut-être ça pourrait être utile ? Parce qu’être toute seule, ça n’avait rien d’amusant.

Fixant mes pieds sur le sol, je ne réalisai pas tout de suite qu’en fait, je n’étais plus toute seule. Ce fut seulement lorsqu’une voix dit tout près de mon oreille « - Salut, poulette. Qu'est ce que tu fais toute seule ? » que je réalisai qu’il y avait quelqu’un. Je relevai la tête, et je reconnus aussitôt Aline, à qui je fis un petit sourire un peu triste. Généralement, je ne parlais pas aux étrangers, mais à mes yeux, Aline n’était pas une étrangère, plus maintenant. Je l’aimais bien, pour tout dire, elle était gentille avec moi, et elle venait encore de me le prouver. Je haussai les épaules, et je lui répondis : « Tatie n’est pas encore arrivée, donc je l’attends. », n’ayant pas envie de m’étaler sur ce qui s’était passé ce matin, pourquoi j’étais triste. J’espérais même qu’elle n’allait pas me le demander, parce que je trouvais que je faisais un bon boulot à ne pas paraître trop triste, et je pensais que sauf avec mon enseignante, je réussissais plutôt bien pour le moment. Comme pour m’en assurer, je choisis de dévier un peu la discussion, et je demandai : « Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? »

amélia & aline

"Help me, Help you"

Voir l'enfant assise de la sorte, toute seule, avait remué quelque chose chez Aline qui s'était empressée d'aller la voir. Posant son sac au sol, elle s'était à son tour assise sur le trottoir. En voyant le petit sourire triste voir timide d'Amélia, la jeune femme passa un bras autour de ses épaules frêles, la ramenant contre elle dans le but de la serrer un peu. Peut être était-ce pour la réconforter. « - Tatie n’est pas encore arrivée, donc je l’attends. » En entendant les paroles de la petite fille, ce fut au tour de l'étudiante d'avoir un sourire pincé. En y repensant, elle ne connaissait pas réellement la tante de celle qu'elle voyait comme une petite soeur. Elle savait juste que la petite vivait avec elle car malheureusement, sa mère avait quitté ce monde et que son père était encore militaire. Après, elle n'en savait pas plus. Elle ne s'était pas immiscée d'avantage dans la vie de la jeune Lefèbvre. Cela ne la regardait pas bien qu'elle eut été curieuse. La fameuse tante semblait être une femme bien, bien que, visiblement, elle était absente à la sortie de l'école pour venir chercher sa propre nièce. « - Je vais attendre avec toi qu'elle arrive. On va éviter de bouger pour pas se croiser et se louper, t'en pense quoi, poulette ? » Cette fois ci, Aline eut un sourire plus franc et elle frotta la chevelure brune de la gamine avant de recoiffer les mèches qui partaient dans tous les sens.

Sentant son estomac râler, la jeune femme attrapa son sac à main et en sorti une barre de céréales. C'était le genre de chose que l'on trouvait régulièrement dans son sac. En tant que ventre sur pattes qui se respecte, Aline se devait d'en avoir toujours au moins une sur elle, en toutes circonstances. Alors qu'elle s'apprêtait à mordre dedans, la petite franchie s'arrêta, s'apprêtant à en proposer à Amélia. Cependant, l'enfant la devança. « -  Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? » La jeune femme haussa les épaules, ayant presque oublié son premier but lorsqu'elle avait décidé d'aller en ville par cette journée plutôt fraîche. « - Ashley, ma coloc, voulait du Nutella et on a plus de jus de fruits, du coup, j'ai été désignée d'office pour aller faire les courses. »

Aline & Amélia

"Help me, Help you"

Je souris doucement lorsque j’entendis Aline me dire « Je vais attendre avec toi qu'elle arrive. On va éviter de bouger pour pas se croiser et se louper, t'en pense quoi, poulette ? » En fait, cela me toucha plus qu’autre chose, même si timidement, je ne sus que lui répondre : « C’est gentil, mais si tu as autre chose à faire, tu n’es pas obligée, tu sais ? Ce n’est pas la première fois que j’attends toute seule. » Au fond de moi, j’étais bien contente d’avoir de la compagnie, qui me permettrait de me changer les idées par rapport à ce qui m’avait trotté dans la tête toute la journée, et plus encore, j’étais contente d’avoir la compagnie d’Aline, que j’aimais beaucoup. Elle était un peu comme une grande sœur pour moi, grande sœur que je n’ai jamais eue, elle était là pour simplement discuter, me changer les idées, je passais toujours un bon moment avec elle, en général, bien que cette fois-ci pourrait potentiellement faire exception à la règle, compte tenu des circonstances, même si le simple fait de la voir ici, de savoir qu’elle voulait bien attendre avec moi, ça me remontait déjà un peu le moral.

Plus que cela encore, cette remontée s’accentua lorsqu’après avoir pris une barre de céréales dans son sac, Aline répondit à ma question en affirmant : « Ashley, ma coloc, voulait du Nutella et on a plus de jus de fruits, du coup, j'ai été désignée d'office pour aller faire les courses. » Sans savoir pourquoi exactement, je ris doucement à son propos. Peut-être parce que je ne comprenais pas c’était quoi, vivre en colocation avec quelqu’un, et que chez moi, personne n’était désigné pour faire les courses, parce que seule ma tante savait les faire, et quand je m’y rendais avec elle, je ne faisais presque rien, ne serait-ce que de lui demander gentiment si elle pouvait acheter tel ou tel produit, contente quand elle acceptait, impassible quand elle refusait, parce qu’après tout, elle n’était pas obligée d’acheter des surplus qu’elle ne mangeait pas pour moi, je le savais bien. Par cette ignorance, je m’étais soudainement imaginée Aline et sa colocataire se battre, tirer à pile ou face ou quelque chose comme ça pour décider qui ferait les courses, et visiblement, dans cette idée, Aline aurait perdu. Par contre, est-ce que c’était vraiment une corvée d’acheter du Nutella et du jus de fruits ? À mes yeux, ce ne l’était pas plus que ça. Déjà un peu plus enjouée, je dis : « Et tu vas prendre le plus gros pot ? Quel jus de fruits tu vas choisir ? » Je me tus à ce moment, puisque j’étais à la limite de vouloir lui demander si je pouvais l’accompagner, mais je me devais malheureusement de rester ici, puisque ma tante ne saurait pas où je me trouvais, et puis, je dérangerais peut-être Aline, même si cela ne me dérangerait pas de choisir un pot de Nutella ou une marque de jus, surtout si c’était pour l’aider !