« Vincent » Elle n’osait plus faire le moindre mouvement. Et pourtant, pourtant Dieu sait à quel point elle aurait aimé l’étreindre à l’en étouffer. Mais il n'aurait pas pu comprendre. Comprendre qu’à un moment précis au cours de sa misérable existence, Alison a été capable d’abîmer leur relation. De la rendre moins importante. De faire un choix, le mauvais. De faire d'une autre personne sa priorité alors qu'elle n'était pour elle qu'une option. A l'intérieur, ses sentiments s'emmêlaient. « Ça fait longtemps. » Son regard attrapa le sien, en résultait un certain trouble entre les jeunes gens.

Pourquoi diable ses joues s'étaient-elles empourprées de la sorte ? Elle qui n'était pourtant guère timide envers un quelconque mâle. Alison n'osait s'avouer la réponse, tombant éperdument sous le charme du garçon. Elle enviait soudainement ces lèvres dont la douceur s'était posée sur sa bouche. Une bouche tant désirée, jamais véritablement embrassée. Il la dévorait. « Vous avez l'art des baisers » aurait dit Juliette à son Roméo. Fatiguée, lassée, démolie. Détruite la réserve, détruites les barrières. Tout ce qui fut sa personnalité : envolé, pouf. Le romantisme avait pris possession un instant de son cerveau, cliché et désinvolte — elle n'était qu'une jeune femme stupide pour se laisser aller à de pareilles illusions. Bordel. Et que sa fierté eut du mal à encaisser le choc, que sa fierté eut du mal. Elle se trouvait dans l'incapacité de s'en accommoder. Et pourtant.

Le contact en avait été électrique et le bonheur l'avait prit en traître. La vodka n'aurait pas pu la rendre plus euphorique qu'en l'état actuel de sa relation avec l'individu de de sexe masculin, bien outillé qui plus est. Et pourtant, la vodka avait été sa meilleure alliée depuis son quatorzième anniversaire. Elle demeurait inconsciente. Pour elle : la vie était comme un long fleuve parfois secoué par des courants légèrement riches en émotions, mais jamais sans grand et réel danger. Jusque-là mec sur mec, rapport sexuel sur rapport sexuel et pas la moindre attache. Une entaille dans le cœur. Cœur qui pourrissait enfermé dans sa cage thoracique. Ce connard de Cupidon l'avait visé – genre, ça lui avait pris comme ça - et c'était sans savoir que le type en question le briserait plus d'un millier de fois. Le brouillard percutait son esprit fragile. Face à tant de vulnérabilité, elle se figea. Personne n’avait le droit de déglinguer son quotidien, d'occuper autant le fil de ses pensées. De s'instaurer dans les recoins de sa boite crânienne et de s'y faire une place démesurée. Elle en aurait bouffé ses ongles jusqu'au sang s'il n'avait pas encore été là. Sa nervosité n'échappa pas à Vincent. Quelques minutes à discuter au soleil aujourd'hui lui avaient donné un léger hâle et n'en déplaisait à la jeune fille mais la gêne qui rosissait ses joues était touchante pour le séducteur qui lui faisait face. Et quelque part l'occasion parfaite pour abuser de sa faiblesse.

Sa bouche se promenait à nouveau contre la sienne, son souffle enlacé au sien. Leurs langues dansaient. Et les battements de cœur qui s’affolaient. Qui tambourinaient dans sa poitrine. Se souvenant vainement de toutes ces soirées où, éclairés par les halos de lumière de la ville de Saint-Tropez, elle fut capturée dans l’étau de ses bras. Une fois, elle s'était réveillée au matin sur une plage et il ne l'avait même pas quittée. Elle, se perdant peu à peu dans la contemplation de son visage pendant qu'il dormait et promenant la pointe de son nez sur chaque millimètre de son épiderme — l’odeur de sa peau la rendait barge au point de grignoter sa nuque en guise de petit-déjeuner. Dépendante. Folle. Il lui avait pardonné, encore une fois, ces énièmes tromperies.